LUDIVINE PUY EN INTERVIEW*
PREMIERMOTOCROSS : Alors Ludivine, heureuse.. ??
LUDIVINE PUY : Oui heureuse parce que l’année dernière on est parti sur les 6 jours on a fait deuxième, nous avions manqué d’expérience, cette année nous étions préparés donc nous allions là-bas pour gagner.. On a eu le titre avec peu de problèmes cette année, de petits soucis mécaniques du côté d’Alice et de petits soucis physiques du côté d’Audrey, mais bon chacune a fait son travail et le résultat c’est qu’on gagne le titre presque « haut la main »..
PREMIERMOTOCROSS : Pourtant sur le papier ce n’était pas gagné au départ, et de plus il y avait quelques Top français absents, ce n’aurait pas été un « plus » qu’ils soient présents.. ?
LUDIVINE PUY : Moi les autres Pilotes je ne les connais pas forcément, cette année l’équipe était nouvelle, tout le monde avait envie de prouver qu’il était là pour gagner.. Il y a eu un « flux » vraiment positif dans l’Équipe, tout le monde s’est vraiment entraidé, nous étions très solidaires.. Chaque Pilote présent était aussi capable de faire d’aussi bons résultats que des Pilotes absents, ils l’ont d’ailleurs prouvé.. C’était une Équipe de combattantes, l’ambiance était super.. Que ce soit au niveau des « Trophée », des « Juniors » ou des «filles» notre objectif commun était de gagner..
PREMIERMOTOCROSS : Rouler pour son pays, cela met une pression supplémentaire.. ?
LUDIVINE PUY : Oui parce qu’on sait qu’à la maison on a tous les amis, toute la famille qui comptent sur nous, nous sommes là pour défendre les couleurs de notre nation, de notre championnat, on se donne donc encore plus.. Et quand on gagne on est vraiment fier de porter haut les couleurs de la France.. C’est vraiment motivant de savoir qu’il y a des gens derrière nous, qui nous appellent pendant les 6 jours, qui nous ont envoyé des messages.. On est très fières..
PREMIERMOTOCROSS : L’Enduro, c’est une discipline dans laquelle il faut être polyvalent, il faut être bon Pilote, fin tacticien, bon mécanicien.. Que les filles y viennent avec succès, c’est le fait de quoi, qu’une femme, de par sa nature, est plus capable de s’adapter à des environnements différents par exemple qu’un homme.. ?
LUDIVINE PUY : Oui je pense qu’une femme possède une capacité d’adaptation assez importante, je pense également qu’une femme va mieux supporter les évènements au niveau moral et physique.. Elle va souffrir plus parce qu’automatiquement les corps ne sont pas identiques, mais nous avons eu toutes les trois une grosse volonté de finir et jamais nous ne nous sommes posées la question de savoir si nous allions lâcher ou autre.. Les filles qui font le championnat de France en Enduro ont de grosses qualités pour finir les courses, l’Enduro est une discipline très très exigeante et je pense que les femmes qui pratiquent ce sport ont beaucoup de courage.. Après une femme quand elle prend du plaisir, elle est capable de tout, donc automatiquement les résultats se font sentir très rapidement..
PREMIERMOTOCROSS : Cette année les conditions en Grèce étaient loin d’être idéales avec de la poussière et des fortes chaleurs, cette édition était donc très physique.. ?
LUDIVINE PUY : Oui c’était très physique parce que le matin quand on partait on prenait la voiture à 7h30 et il faisait déjà 37 °, mais heureusement nous montions ensuite dans les montagnes dans la journée avec deux spéciales un peu dans les hauteurs où nous arrivions à perdre 10 °, mais on avoisinait toutefois les 30 ° avec beaucoup beaucoup de poussière, on devait même s’arrêter parfois parce qu’on ne voyait plus rien.. Ce n’est pas forcément ce qu’on avait l’habitude de trouver mais bon c’était la même chose pour tout le monde..
PREMIERMOTOCROSS : Justement au niveau préparation, une femme qui « endure » elle se prépare différemment d’un homme pour ce type d’épreuves je suppose.. ??
LUDIVINE PUY : Pour ma part je fais beaucoup de sports dans lesquels je repousse mes limites constamment, en vélo ou dans le footing au moment où je me dis où j’en ai assez hé bien je me pousse à faire encore 5 ou 10 minutes et je pense que mon cerveau depuis que j’ai fait le Dakar s’est formaté à souffrir et les limites se sont du coup éloignées, et aujourd’hui je ne vais plus trop dans mes réserves mentales, j’ai réussi à avoir une « grosse caisse » mentale et physique.. Bon après c’est certain que physiquement je n’ai pas la « caisse » d’un mec, alors j’essaie de combler avec mon mental..
PREMIERMOTOCROSS : Livia Lancelot il y a quelques jours devenait Championne du Monde en Motocross, Vous dans la foulée en Enduro Mondial, je crois savoir qu’en Trial il y a aussi pas mal de françaises qui font de bonnes performances, le signal recherché c’est quoi : « attention nous voilà et on est pas là pour rigoler.. », c’est une nouvelle dynamique qui est lancée pour le sport Tout-Terrain féminin français.. ??
LUDIVINE PUY : Je pense que ça bouge de partout en France pour les femmes du côté des fédérations, du côté des clubs et des fans chez qui il y a vraiment un engouement depuis 2 ans pour les féminines, donc tout ça motive.. Livia et moi nous avons montré que nous étions capables de nous aligner par rapport à des mecs donc cela nous donne aussi de la force afin d’aller plus loin, pour être des sortes de « locomotives ».. De plus en plus de femmes viennent il y a de la concurrence et automatiquement on tombe dans une bonne dynamique..
PREMIERMOTOCROSS : Vous souhaiteriez par exemple que des modifications soient apportées à certains modèles pour que Vous les trouviez plus à votre goût.. ?
LUDIVINE PUY : Non, après pour les filles il faut plus des Motos « faciles » quand tu débutes mais par exemple ma machine commence à pas mal se rapprocher d’une Moto d’un mec avec des suspensions assez dures, une Moto aussi un petit peu plus violente.. En Enduro, nous faisons les mêmes choses que les garçons, on passe les mêmes franchissements etc.. Après il suffit juste de se faire respecter, que tu es un Pilote comme un autre et tout se passe bien..
PREMIERMOTOCROSS : Rester « féminine » en Moto Tout-Terrain, cela passe par quoi par exemple.. ?
LUDIVINE PUY : Ca passe par te brosser les cheveux quand tu rentres le soir (rires..), pour moi c’est super important en tant que Pilote féminin car je ne pourrais pas avoir une aussi belle image si je ressemblais à un mec, donc par exemple aux 6 jours j’avais un petit sac transparent dans lequel j’avais mis des lingettes et que j’avais dans ma sacoche banane et quand j’arrivais le soir au « pre-finish » je me nettoyais le visage avant de faire la mécanique parce que je ne voulais pas avoir le visage sale quand tout le monde allait me voir.. (rires..) Au quotidien, je veux avoir un joli visage et être propre.. Ensuite, je fais en fonction de tout ça et je m’adapte super bien donc il n’y a pas de problème..
PREMIERMOTOCROSS : Lors de ces ISDE les Équipes féminines ont vraiment été intégrées à la caravane ou elles étaient encore un peu regardées comme des « bêtes curieuses ».. ?
LUDIVINE PUY : C’est vrai que l’on attire un peu la curiosité surtout le soir lorsqu’on arrive à la mécanique et qu’on fait le pneu avant pneu arrière et le filtre à air en 15 minutes, c’est vrai que là tu entends dire « mais attends elles sortent d’où, de quelle planète. ??! ».. Par contre dans le staff français nous étions intégrées comme des Pilotes à part entière et pas comme des filles, cela s’est très très bien passé.. On attire plus la curiosité de personnes extérieures à la Moto et qui ne sont pas sur les championnats, mais c’est assez flatteur je trouve..
PREMIERMOTOCROSS : Cette Victoire aux ISDE c’est quelque chose que tu souhaiterais raconter plus tard à tes enfants ou tu fais la part des choses et tu sépares ta vie professionnelle à Moto et ta vie privée.. ?
LUDIVINE PUY : C’est vrai que là pour l’instant l’Enduro c’est le « boulot » après je ne sais pas du tout comment cela se passera plus tard avec les enfants, je ne sais pas si mes enfants voudront faire de la Moto, s’ils en font je pense que je pourrai leur raconter tout ce que j’ai vécu parce que je commence à avoir un gros passif, cela fait 21 ans que je fais de la compétition.. Ensuite on verra bien, je pense que j’ai encore beaucoup de choses à faire en Enduro, en Rallye et peut-être dans d’autres secteurs donc si on me demande j’aurais plein d’histoires à raconter c’est sûr..
PREMIERMOTOCROSS : Quel est ton programme à venir, tu vas bientôt entamer les rallyes.. ?
LUDIVINE PUY : Oui, je pars dans 3 semaines au Rallye des Pharaons ensuite il y aura la finale du championnat de France puis celle du Championnat d’Europe et le Dakar au mois de janvier en Amérique, il faudra partir un mois.. Je ne vais pas forcément me préparer pour les rallyes, je vais vraiment continuer à me préparer pour ma saison d’Enduro ‘2009.. Je vais aller me faire plaisir en janvier avec mon pote Philippe Dasse du Team Easydentic avec qui je devais faire le Dakar l’année dernière, je le prends donc comme du plaisir sans me mettre un objectif réel, on verra sur place comment ça va se passer.. Mais il y a encore du boulot et il ne faut pas trop penser au Dakar parce qu’il reste deux épreuves du championnat de France sur lesquelles j’ai des objectifs très élevés à atteindre..
PREMIERMOTOCROSS : Le Dakar en Amérique cela t’indiffère ou tu aurais préféré clairement que cela reste en Afrique.. ??
LUDIVINE PUY : J’aurais préféré que cela reste en Afrique, je suis une très grande amoureuse et passionnée par ce continent donc c’est sûr que d’aller en Amérique ce n’est pas ce qui me fait rêver le plus mais j’ai connu le Chili des 6 jours de l’année passée alors je vais découvrir et peut-être que j’aimerais autant que l’Afrique mais c’est vrai qu’il y a des odeurs et des gens que je ne verrai pas là-bas, mais bon je suis curieuse..
PREMIERMOTOCROSS : Pour finir, la répartition des risques est un peu différente puisque c’est ton compagnon qui « reste à la maison », comment prend-il ces risques que tu prends.. ?
LUDIVINE PUY : C’est vrai que c’est difficile pour tous ceux qui sont à la maison parce que dès que je pars sur un rallye il y a la vitesse, c’est loin, ce sont des paysages que personne de ma famille ne connaît, personne ne connaît le désert etc.. Pour eux je pars dans l’inconnu et ma grand-mère m’a même dit un jour « mais si tu te perds, un jour tu vas mourir.. !! » .. Donc tout le monde me surveille via internet alors que je ne prends pas forcément plus de risques en rallye qu’en Enduro, c’est même plutôt le contraire, mais je suis assez prudente..
PREMIERMOTOCROSS : Au niveau équipements de sécurité, tu as investi dans une Leatt Brace par exemple.. ??
LUDIVINE PUY : Non pas encore parce que c’est pour le moment inadapté pour les femmes..
PREMIERMOTOCROSS : Tu y crois.. ??
LUDIVINE PUY : Oui j’y crois, mon père y croit encore plus que moi, mais j’ai encore du mal à rouler avec parce que je n’arrive pas à voir loin, à lever la tête, mais je pense que je vais y venir.. La protection qui pour moi était la plus importante c’était celle des genoux et là ça y est j’ai des CTI parce que je me suis fait des entorses et là c’est vrai que ça me protège bien..
PREMIERMOTOCROSS : Aux ISDE tu déclarais avoir pris la course avec le moins de stress possible, tu n’es visiblement pas quelqu’un d’anxieux.. ?
LUDIVINE PUY : J’ai du stress uniquement en championnat de France parce que je roule contre les mecs et je sais que la concurrence est rude, mais c’est du « bon stress » qui me donne de la bonne énergie, aux ISDE j’étais un peu stressée au début parce qu’il y avait une nouvelle américaine qui roulait fort et que je voulais être devant, ensuite quand j’ai vu que j’avais de l’avance, j’ai géré et ça l’a fait..
PREMIERMOTOCROSS : Dernière question, qu’est-ce que tu te souhaites pour les années à venir.. ??
LUDIVINE PUY : J’attends avec impatience la création du championnat du monde d’Enduro féminin, je devrais faire plusieurs rallyes et découvrir de nouvelles personnes mais surtout toujours prendre autant de plaisir à l’entraînement et en compétition..
PREMIERMOTOCROSS : Il y a des gens que tu souhaites sans doute remercier..
LUDIVINE PUY : Oui Olivier Chave qui a bossé comme un fou pour me préparer une Moto pour les 6 jours, il m’a été également été d’un grand support durant les manches..
(Photos : Remerciements M. Puy Père, Texte : CopyRight www.PREMIERMOTOCROSS.Com, Reproduction Interdite)